Le paradoxe d’Abilene, concept élaboré par Jerry B. Harvey, décrit une situation paradoxale où un groupe prend collectivement une décision que personne ne souhaite réellement, simplement parce que chacun pense, à tort, que les autres la veulent.
Fréquent dans le monde du management, ce phénomène conduit à des choix inefficaces, à une perte de motivation et à un gaspillage de ressources.
Cet article explore en profondeur les origines du paradoxe, ses manifestations concrètes dans la vie des organisations et les mécanismes psychologiques qui le sous-tendent.
Il met en lumière la manière dont la Méthode AEC DISC permet de mieux comprendre les comportements individuels et collectifs face à la pression du consensus, en identifiant les profils les plus vulnérables et leurs réactions typiques. Enfin, il propose des stratégies concrètes pour les managers : instaurer un climat de sécurité psychologique, encourager l’assertivité, remettre en question les accords de façade et adapter leur communication aux différentes dynamiques comportementales.
Comprendre et éviter le paradoxe d’Abilene devient alors un levier puissant pour prendre des décisions collectives plus lucides, partagées et efficaces
Le paradoxe d’Abilene ou comment prendre des décisions dont personne ne voulait
Combien de fois avez-vous assisté à une réunion où tout le monde acquiesce à une décision… pour découvrir plus tard que personne n’en voulait vraiment ?
Ce phénomène, bien connu en management, s’appelle le paradoxe d’Abilene.
Mis en lumière par Jerry B. Harvey en 1974, il illustre un mécanisme collectif qui conduit les équipes à prendre des décisions absurdes, simplement parce que chacun pense faire plaisir aux autres. Dans cet article, nous allons :
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- Présenter le paradoxe d’Abilene et son origine.
- Montrer des exemples concrets dans le management.
- Mettre en perspective ce paradoxe avec la Méthode AEC DISC.
- Proposer des conseils pratiques pour aider les managers à éviter ce piège et favoriser des décisions authentiquement partagées.
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Qu’est-ce que le paradoxe d’Abilene en management ?
Définition et origine du concept
Le paradoxe d’Abilene est une situation où un groupe prend une décision que personne n’approuve vraiment individuellement, mais où chacun pense que les autres la souhaitent. Pour éviter les conflits, préserver l’harmonie ou par peur d’être marginalisé, chacun dit « oui »… alors que tous préfèreraient dire « non ».
L’anecdote de Jerry Harvey : le voyage à Abilene
Harvey raconte une scène vécue dans sa belle-famille au Texas. Par une journée caniculaire, ses beaux-parents proposent d’aller dîner à Abilene, une ville à 80 km. Chacun accepte, pensant que les autres ont envie de sortir. Résultat : quatre heures de route aller-retour, un repas médiocre, de la fatigue et de la mauvaise humeur. De retour à la maison, chacun admet qu’il aurait préféré rester… mais personne n’a osé le dire avant.
Différence entre paradoxe d’Abilene et pensée de groupe
Dans la pensée de groupe (groupthink), certains membres soutiennent vraiment la décision, mais les autres taisent leurs objections pour préserver la cohésion. Dans le paradoxe d’Abilene, personne ne veut la décision, mais tout le monde croit à tort que les autres la souhaitent. Le mécanisme est donc un peu différent.
Exemples concrets du paradoxe d’Abilene en entreprise
Exemple 1 : le projet inutile qui échoue
Lors d’une réunion, la direction propose de lancer un nouveau projet digital. Les managers acquiescent, croyant que la direction a déjà validé en haut lieu. La direction, de son côté, interprète l’adhésion des managers comme un soutien enthousiaste. Quelques mois plus tard, le projet échoue faute d’adhésion réelle.
Exemple 2 : la réunion qui accouche d’une règle inefficace
En réunion d’équipe, quelqu’un propose une nouvelle procédure. Personne n’est convaincu, mais chacun dit « oui » pour ne pas être le trouble-fête. Résultat : une règle inutile, qui complique le travail au lieu de l’améliorer.
Exemple 3 : la stratégie commerciale déconnectée du terrain
Dans un comité de pilotage, on décide d’investir massivement dans une campagne marketing. Les commerciaux savent que le terrain ne suivra pas, mais se taisent. L’échec est programmé : la décision n’est pas issue de convictions partagées, mais d’un malentendu collectif.
Paradoxe d’Abilene et comportements humains : l’apport de la Méthode AEC DISC
La Méthode des Couleurs AEC DISC, synthèse des travaux de Marston sur le préférences comportementales, de Jung sur les Types Psychologiques et de Spranger sur les Valeurs, permet d’illustrer les comportements et les modes de fonctionnement. Comme pour de nombreuses autres situations de la vie professionnelle et personnelle, elle permet aussi d’expliquer les réactions des différents styles et les causes probables du paradoxe d’Abilène.
Le comportement Vert (Stabilité) : éviter le conflit à tout prix
Le profil à forte composante Verte recherche la cohérence, l’harmonie et le consensus. Il préfère dire « oui » même s’il n’est pas convaincu, plutôt que risquer de créer une tension.
Lire l’article sur la communication non violente et l’assertivité avec AEC DISC
Le comportement Jaune (Influence) : préserver l’ambiance sociale
Le profil Jaune aime la convivialité et la reconnaissance. Pour ne pas passer pour un rabat-joie, pour qu’on continue à l’aimer, il peut afficher un enthousiasme de façade, tout en étant intérieurement opposé.
Le comportement Bleu (Conformité) : suivre la règle implicite du groupe
Le profil Bleu valorise la rigueur et les normes. Face à une décision collective, il peut rester silencieux, par peur de déranger, de casser le consensus ou d’être perçu comme trop critique.
Le comportement Rouge (Dominance) : dire non… ou laisser filer
Le Rouge, orienté résultats, ose généralement dire « non » s’il voit une décision inefficace. Mais dans certains contextes (hiérarchie forte, manque d’intérêt, peur d’un conflit long, réactance psychologique), il peut se taire et laisser passer.
Comment éviter le paradoxe d’Abilene en management ?
Créer un climat de sécurité psychologique
Les collaborateurs doivent se sentir libres d’exprimer un désaccord sans crainte de sanction. Un manager peut instaurer cette sécurité en valorisant les objections comme des contributions utiles, plutôt que comme des freins.
Vérifier le vrai consentement de l’équipe
Plutôt que de conclure par un « Tout le monde est d’accord ? », posez des questions ciblées : « Qu’est-ce qui vous gêne dans cette proposition ? », « Quels sont les risques que nous n’avons pas vus ? », « Si vous étiez seul décideur, feriez-vous ce choix ? ».
Donner un rôle d’avocat du diable
Nommer volontairement quelqu’un pour critiquer la décision oblige le groupe à tester la solidité de ses choix et évite l’adhésion de façade.
Adapter sa communication selon les profils DISC
Avec une forte composante Verte : créer un espace où il peut exprimer ses réserves sans peur du conflit.
Avec une composante Jaune élevée : rappeler qu’il n’a pas à être toujours positif pour être apprécié.
Avec une cforte composante Bleu : demander explicitement ses objections rationnelles.
Enfin avec une personne à forte dominante Rouge : solliciter son avis direct pour éviter un silence interprété comme un accord.
Favoriser l’assertivité
Former les équipes à dire « non » de manière constructive est un levier puissant pour éviter le paradoxe d’Abilene. L’assertivité permet d’exprimer ses opinions tout en respectant celles des autres.
Du faux consensus à la décision partagée
Le paradoxe d’Abilene est un piège fréquent dans les organisations. Il naît d’une mauvaise gestion de l’accord apparent : tout le monde dit « oui », mais personne n’y croit. Résultat : décisions absurdes, démotivation et gaspillage de ressources.
La Méthode AEC DISC apporte un éclairage précieux pour comprendre pourquoi certains profils sont plus vulnérables à ce mécanisme. Elle permet aussi aux managers de repérer les signaux faibles d’une adhésion de façade et de mettre en place des pratiques managériales qui favorisent une expression sincère.
En somme, éviter le paradoxe d’Abilene, c’est oser le désaccord, valoriser la diversité des points de vue, et transformer le faux consensus en décision réellement partagée.






